• 1er octobre 2012 : Avalanche dans l'Himalaya : et maintenant ?

    L'alpiniste Marc Batard fustige les cadors de la montagne. Terre d'aventures fait partir une expédition pour le Manaslu.

    Le tragique accident survenu au Manaslu a été ressassé jusqu'à la nausée, au point de susciter dans les forums des réactions haineuses et stupides sur ces conquérants de l'inutile qui, au fond, n'auraient que ce qu'ils méritent. Il ne faut pas s'en étonner, les directs TV à répétition et les articles ayant, jusqu'à présent, privilégié le sensationnalisme au détriment de l'analyse. On a même franchi le mur de la bêtise avec le classement des 8 000 les plus dangereux. Tous les 8 000 sont dangereux. À partir de 7 700, on franchit la zone de la mort. Certains sommets sont plus raides que d'autres, plus techniques, plus exposés au vent, mais tous sont dangereux. Parce qu'il est devenu le plus accessible des 8 000 mètres du Népal et à cause des fermetures régulières du Pakistan et du Tibet, le Manaslu est très prisé des himalayistes. Comme toujours, après un accident, la grande famille des guides affiche sa tristesse et son fatalisme. "C'est la montagne." "Tous les professionnels connaissent les risques encourus." Affaire classée. Bref, ce n'est pas le moment opportun de mettre de l'huile sur le feu.

    Batard, "l'emmerdeur"

    L'alpiniste Marc Batard n'est pas de cet avis. Dans Le Figaro du 25 septembre, il fustige "l'omerta autour du monde des guides et des moniteurs de ski qui marchent dans les pas de nos prédécesseurs, quitte à tomber dans la même ornière". Le même jour, sur le plateau de Canal+ dans la Matinale, il en remet une couche. Le syndicat des guides n'a pas apprécié la prestation de Batard l'emmerdeur. C'est plus fort que lui, il ne peut pas s'empêcher de remettre du sel sur les plaies ouvertes, car il veut montrer l'alpinisme sous son vrai jour, celui des hommes avec leurs grandeurs et leurs faiblesses. "Quand on fait l'Everest avec de l'oxygène, les bouteilles sont portées par les sherpas et c'est comme si on faisait un sommet de 6 000 mètres." Et pan ! Les mots sont lâchés juste avant l'intervention au téléphone de Pierre Mazeau, premier Français à l'Everest, en 1978. Comprendre : premier mais avec oxygène. Marc y est parvenu sans dopage, en 1988, en moins de 24 heures par la face népalaise. Pour l'ancien président du Conseil constitutionnel, le drame du Manaslu n'est, somme toute, qu'un accident de montagne. "La mousson était plus forte que d'habitude, il y a eu une forte accumulation de neige, les avalanches se sont déclenchées ."

    Aussi abruptes soient-elles, les prises de parole de Marc Batard ne sont pas complètement insensées. Elles soulèvent, en tout cas, un certain nombre de questions autour de l'anticipation du risque, du calendrier des expéditions en haute altitude, ainsi que sur la stratégie d'acclimatation, qui date de la préhistoire. Pour étayer son argumentation, l'alpiniste a coutume de citer l'exemple du phénomène de queue de mousson dans l'Himalaya, qui, tous les 6-7 ans, déclenche de terribles avalanches. En 2005, celle du Kang Guru au Népal a enseveli le camp de base de Daniel Stolzenberg, formateur à l'ENSA, causant la mort de 18 personnes, 7 Français et 11 Népalais. "En connaissant ce phénomène climatique, on a un oeil plus précis pour définir l'emplacement du camp, explique Marc Batard. Et s'il ne se produit rien fin octobre, cela ne signifie pas que début novembre, la queue de mousson ne se manifestera pas."

    6 800 mètres : le camp de trop ?

    Est-ce le même phénomène qui a touché le Manaslu ? De grosses chutes de neige inhabituelles qui, en s'accumulant, auraient fait se décrocher les séracs, ces blocs de glace placés juste au-dessus du camp 3, à 6 800 mètres d'altitude, avant de le détruire. Chez Terre d'aventures, on suit l'affaire de très près. Une expédition commerciale est partie le 25 septembre pour faire l'ascension du Manaslu. "On a beaucoup hésité, confie Didier Cour, guide de haute montagne chez le voyagiste. En juillet, on a changé trois fois la date de départ. On s'est rendu compte depuis quelques années que la mousson s'installait en douceur, mais finissait plus fort que d'habitude. Il neige très fortement début septembre et les risques d'avalanche sont accentués. Finalement, on a décidé d'une date plus tardive. Après un trek d'une semaine, les alpinistes seront au camp de base à 4 800 mètres le 5 octobre. Les conditions seront plus froides, mais il devrait y avoir moins de neige." L'agence a prévu d'installer quatre camps d'altitude, depuis le camp de base situé à 4 800 mètres, dont un 6 800 mètres où s'est produit le drame.

    Le camp de trop ? Plus il y a de camps, plus longtemps on stationne en altitude et plus on s'expose aux risques. Le camp 3, en particulier, est réputé délicat. En 2009, Eric Bonnel, ex- patron de l'agence Trek on line, l'avait fait supprimer de son plan d'ascension. "On a dû batailler pendant quinze jours avec nos réceptifs. Leurs marges se font sur les camps, les tentes, les cuisines." Didier Cour est plus nuancé. "S'il a beaucoup neigé, le risque est partout. L'idéal, c'est de faire le trajet camp de base-sommet en une journée." Tout le monde n'est pas Marc Batard, que la nature a doté d'une physiologie et d'une endurance hors norme. "Il faut 4 heures pour monter du camp 2 (6 300 m) au camp 3 (6 800 m) et 5 heures, de là, pour se hisser au camp 4 (7 200 m), dernière étape avant le sommet. C'est un gros effort. Pas sûr que tous les organismes le supportent", poursuit Didier Cour. Bien que nous ne soyons pas tous égaux face à l'altitude, ce n'est pas impossible, mais cela implique de bien se connaitre.

    Source : Le Point, Nathalie Lamoureux


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