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06/02/2011 : Un pont ou un tunnel pour sauver des vies au mont Blanc

06/02/2011 : Un pont ou un tunnel pour sauver des vies au mont Blanc

Le projet de pont himalayen enjambant le sinistre couloir du Goûter est conçu par l’ingénieur géotechnicien Didier Lemarechal

Est-ce vraiment la solution ? En se concertant avec certains montagnards, guides et pratiquants, cette solution ne devrait hélas pas suffire. Les chutes de pierres se produisent avec des rebonds élevés et toucheraient inévitablement les cables et la passerelle. Il serait plutôt judicieux de changer complètement cet intinéraire ou de creuser des tunnels comme en Himalaya ou dans les Alpes à l'étranger.
Le projet de pont himalayen enjambant le sinistre couloir du Goûter est conçu par l�ingénieur géotechnicien Didier Lemarechal (à g.).  A.Ch et DR

Il n’est guère plus long de 90 mètres et, au cœur de l’été, au mieux on passe en serrant les fesses ; au pire, le ventre alourdi d’une peur bleue. À 3 340 m d’altitude, le grand couloir, passage obligé entre les refuges de Tête Rousse et du Goûter, sur la voie normale du mont Blanc, est raviné par des chutes de pierres meurtrières lorsque les températures d’août ont fait fondre le ciment de glace et de neige. L’expérience de cette traversée délicate, 20 000 à 30 000 personnes la vivent chaque été. L’an dernier, Paul Petzl, célèbre fabricant de matériel de montagne, et son ami l’ingénieur Didier Lemaréchal étaient dans ce peloton de “summiters”. Eux aussi ont vu les pierres tomber en avalanches et ressenti cette impression que la montagne allait s’effondrer sur eux. “On s’est dit : il faut faire quelque chose”, explique l’entrepreneur qui a créé une fondation (lire ci-contre).

En baskets là-haut ?

Lors de la canicule de 2003, l’accès au mont Blanc par ce couloir de l’aiguille de Goûter avait été fortement déconseillé par la préfecture de Haute-Savoie, un gendarme faisant office de vigie pour dissuader les prétendants. Bref, autant dire une interdiction virtuelle.

Sous le choc de leur expérience personnelle, les deux Isérois ont décidé de proposer aux autorités locales et en concertation avec les guides des trois versants du mont Blanc (Saint-Gervais, Chamonix et Courmayeur en Italie) un dossier de sécurisation. Expert géotechnicien, Lemaréchal leur a présenté début janvier l’avant-projet fort détaillé d’un pont enjambant le passage et survolant la trajectoire des pierres, parfaitement inséré dans l’environnement. N’ayant rien à voir bien sûr avec le Golden Gate ou le pont de Tancarville, cette passerelle himalayenne de 25 m de haut en son milieu serait soutenue par quatre câbles de 60 mm. Intéressés, les guides de Saint-Gervais restent encore sceptiques, préférant un projet de casquette de protection en béton, pas très esthétique, voire mieux : une galerie souterraine totalement invisible dans l’environnement. ”Les pierres, elles tombent où elles veulent et pas qu’au milieu. Elles peuvent arracher les ancrages du pont sur les côtés, estime Pierre Curral, président des guides de Saint-Gervais. Mais cet avant-projet a le mérite de soulever le problème sur cet itinéraire bien spécifique.”

Cependant, du côté du syndicat national des guides on reste réservé concernant un aménagement qui pourrait modifier une donne déjà compliquée sur cet itinéraire surfréquenté. Son président, Denis Crabières, s’explique : “ Je crains qu’un tel ouvrage amène certains à débarquer en basket sur l’arête du Goûter à 3 800 m. Bref cela peut créer plus de problèmes qu’en résoudre”. Encore plus de monde sur le haut de l’itinéraire où, selon les conditions et la fréquentation, la mortalité est également importante ?

À l’été 1998, l’arête sommitale des Bosses avait été rendue délicate par la glace et sept personnes y avaient trouvé la mort en une semaine. Savoir accepter la nature telle qu’elle est, n’est-ce pas aussi ce qui fait le sel de l’alpinisme ? Reste que sur un itinéraire si particulier, desservant un lieu d’hébergement gardé et fréquenté par des prétendants au niveau aléatoire, la question ne peut être éludée en se réfugiant derrière le principe de responsabilité individuelle. “On va dépenser 6,5 M € dans la construction d’un nouveau refuge au Goûter avec une capacité accrue (Ndlr, 120 places en 2012), normal qu’on se préoccupe de la sécurisation de son accès”, reconnaît Eric Favret, président des guides de Chamonix.

Plus de morts au-dessus du couloir

Pour le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Haute-Savoie, sécuriser le couloir ne règle pas tout.“Au vu des statistiques de ces dernières années, on déplore davantage d’accidents sur le cheminement le long de l’arête située au-dessus du couloir que dans la traversée, explique le commandant Jean-Baptiste Estachy (ndlr, 3 morts sur les 4 déplorés cet été entre Tête Rousse et le Goûter). De plus, dans ce passage, rares sont les accidents dus aux chutes de pierres. Les dévissages sont plutôt liés à des fautes techniques.”

Le passionné Paul Petzl entend aller au bout de son projet non sans consensus avec les hommes de terrain. Naguère partisan d’une réglementation stricte de l’accès à la voie normale qui traverse son territoire, le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex, s’est assoupli sur la question et en appelle à l’expertise des professionnels de la montagne: “Si ce projet peut sauver des vies, on n’a pas le droit de ne pas le regarder. Après il faut veiller à ne pas créer quelque chose qui va amener plus de monde sur le site et ainsi créer une probabilité d’accident supplémentaire.”

Paul Petzl et Didier Lemaréchal doivent prochainement présenter l’alternative d’une galerie piétonne de 2 m de diamètre sous le couloir. Si l’idée convient davantage aux guides locaux, son prix serait deux à trois fois plus élevé que les 300 000 € envisagés pour le pont. Quoi qu’il arrive tout aménagement dans ce secteur classé du mont Blanc devra être soumis à la commission nationale des sites. Et recevoir l’aval du ministre de l’Écologie.

Sources :
Dauphiné Liberé (article disponible en cliquant-ici)

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