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26/12/09 : Reportage : Les sautes dhumeur du foehn, le vent chaud qui désespère les skieurs
En s’abattant sur les reliefs montagneux, les tempêtes de vent chaud compromettent le manteau neigeux, mais, c’est moins connu, amènent aussi des flocons en abondance sur le sud des Alpes
Le foehn est cruel. Il gifle la montagne par rafales. Et, à peine les nouvelles neiges tombées, il fait monter en nous l’angoisse d’un début d’hiver raté. La première vague, passée sur le pays lundi dans la nuit, s’est révélée «localement tempétueuse», foi de météorologues.
100 km/h dans la plaine du Chablais. Jusqu’à arracher les pantographes d’un train de marchandises et d’une locomotive InterRegio. Bien plus puissant encore aux Diablerets. Il a en revanche soufflé moins fortement dans le Valais central puisque Sion, la capitale, s’est réveillée sous une fine couche de neige.
C’est d’abord cela, le foehn: un vent d’intensité très variable, aux fréquentes sautes d’humeur, au caractère impétueux. Au moment de poser la question fatidique, à savoir «Quels ravages le vent chaud a-t-il déjà bien pu causer sur le manteau blanc de nos domaines skiables?», les angoisses commencent pourtant par se dissiper.
«Non, le foehn n’est pas
un briseur de rêve»Robert Bolognesi, nivologue et patron de Meteorisk, qui redescend de la montagne avec les derniers relevés, se montre optimiste. «La neige n’a pas fondu. Particulièrement chaud et sec en plaine, le foehn est encore assez froid en altitude parce que la masse d’air qui l’accompagne est froide.» Les rafales ont en revanche formé des plaques à vent, relief réputé très piégeux chez les initiés.
Non, le foehn n’est pas qu’un briseur de rêve qui transforme la neige en soupe, argumente de son côté Frédéric Glassey, météorologue et cofondateur du bureau MeteoNews: «Certaines régions, situées dans le mur du foehn comme on dit, reçoivent en fait rarement autant de précipitations que lors de ces épisodes.»
Un Zermattois vous le confirmera en mouillant l’index et en le pointant au ciel alors que le vent se lève entre les shuttle de Sunnegga: «Demain, il va neiger.» L’explication? Le foehn en provenance du sud arrive encore humide contre le massif montagneux où les nuages se sont accumulés, arrosant généreusement le sud des Alpes avant de sévir plus loin dans la vallée. Dans la «peuf», les lauréats sont: Zermatt, Saas Fee, la vallée de Conches, Zinal ou encore Evolène. Même phénomène dans la région du Tour et d’Argentière où il est tombé 40 cm à 1000 mètres d’altitude au cours des dernières vingt-quatre heures en dépit du vent chaud.
Limite de la neige à 2500 m
Optimiste mais lucide, le tandem Glassey-Bolognesi peut bien s’ériger en défenseur du foehn, il n’en constate pas moins son emprise ravageuse sur les versants qu’il balaiera une fois réchauffé de quelques degrés, le nord des Alpes en l’occurrence. Contre cela, on ne peut lutter. Dans le milieu, on dit communément «qu’une journée de foehn a sur la fonte des neiges le même effet que six jours d’ensoleillement optimal». La perplexité est de rigueur pour les jours à venir. «Le foehn soufflera ce soir [hier], demain [aujourd’hui] et jusqu’au soir de Noël», promet Frédéric Glassey «et la masse d’air qui l’accompagnera s’annonce chaude, cette fois-ci…» De dimanche à jeudi, nous serons passés d’une masse d’air arctique à une masse d’air subtropical. En d’autres termes, d’une température de –16 degrés à +10 degrés à l’altitude de 1500 mètres. La limite de la neige étant annoncée à 2500 mètres.
Au point, sans doute, que les patrons de remontées mécaniques se trouvent, ces jours, des similitudes avec le Comité international olympique lors des JO de Calgary en 1988. Le chinook (le nom du foehn au Canada) avait alors tenu en haleine public et compétiteurs en folâtrant sur les Rocheuses et compromettant pour un moment la compétition de bob. Le retournement de situation vécu cette année dans les Alpes suisses est pour le moins brutal. Mais est-il exceptionnel pour autant? «Ces grandes différences de température sont plus marquées encore dans les climats continentaux mais elles sont très caractéristiques des climats tempérés comme ici.» Le coup de chaud n’est «aucunement lié au réchauffement climatique», tranche donc Frédéric Glassey avant même qu’on ait pu terminer de formuler la question. «Le foehn a toujours soufflé et il soufflera toujours au gré de la situation météorologique du moment.»
Alors qu’il s’apprête à faire plier les sapins et tanguer les télécabines pour quelques jours encore, le foehn, si caractéristique des Alpes qu’il en a imprégné sa littérature – il est le concurrent de la tramontane de Brassens dans Jours de foehn de Corinna Bille – et typique des régions montagneuses (on l’appelle zonda en Argentine, puelche au Chili, halny dans les Carpates), continue d’entretenir la légende du «vent qui rend fou».
Parce que la mythologie populaire y a souvent associé la psychose ou le meurtre? Parce qu’il provoque des maux de tête dus aux écarts de pression atmosphérique? Parce qu’il fait trembler les systèmes neurovégétatifs et qu’il a un effet anxiogène sur les personnes sensibles, comme le suggère le docteur Marc-Henri Gauchat, président de la Société valaisanne de médecine? A moins que ce ne soit parce qu’il fait fondre la neige et que certains ne le supportent pas.
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